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#4 - Conseils d'experts : Entreprises en difficulté : Comment les aider à survivre ?

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Présenté par Thomas FONDEVILA, Président du Groupe ERECApluriel, & Christophe CARON, Expert-comptable associé du groupe.

Bonjour à tous, donc Thomas Fondevila, j’ai le plaisir aujourd’hui d’accueillir Christophe Caron qui est expert-comptable avec moi au sein du groupe ERECApluriel. Et Christophe, qui nous fait le plaisir de sa présence aujourd’hui malgré la période fiscale un petit peu toujours assez dynamique, est en charge de nos clients qui sont en difficulté. Et c’est le thème que l’on va aborder aujourd’hui, qui est un thème qui peut sembler un petit peu stressant et angoissant.

 

Mais grâce à son intervention, on s’est rendu compte qu’une véritable expertise sur ce sujet pouvait être extrêmement intéressante pour nos clients, pour que l’on puisse effectivement les accompagner dans ce moment parfois un petit peu difficile. Et donc je l’accueille aujourd’hui pour discuter de ce thème. Et donc d’abord je vais lui proposer de se présenter en quelques mots pour nous dire un petit peu quel est son parcours et sa présentation simple en tant qu’expert-comptable au sein du bureau.

 

Bonjour à tous ! Donc, Christophe Caron, je suis chez ERECApluriel depuis 2012 et en responsabilité du Pôle Entreprises en difficultés depuis 2019. J’interviens auprès de nos clients internes ERECApluriel, ou quelquefois externes à la demande des organes de la procédure, donc sur trois domaines. Le premier c’est la prévention, donc au niveau des procédures amiables : mandat ad hoc, conciliation. Un deuxième au niveau des procédures collectives : sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire. Et enfin, dans un troisième temps, sur des opportunités pour certains de nos clients qui vont bien, des opportunités de croissance externe avec des reprises d’entreprises à la barre du tribunal de commerce.

 

D’accord, merci à toi Christophe. Avant de rentrer dans le vif du sujet, même si tu as déjà précisé quelques thèmes que l’on va aborder ensuite (les différentes étapes et les différentes procédures que l’on peut rencontrer), est-ce que tu peux nous redire dans ta carrière comment tu es arrivé à t’intéresser à ce sujet des entreprises en difficulté ?

 

Alors, j’ai commencé ma carrière au sein d’un cabinet parisien qui s’appelait E3C. J’avais un portefeuille traditionnel d’expertise comptable, des clients de TPE, PME. Et au bout de 3/4 ans, je commençais déjà à tourner un peu en rond.

 

Donc, le président du groupe m’a offert l’opportunité d’intégrer un département qui existait déjà et qui s’appelait le Pôle Entreprises en difficultés au sein d’E3C avec, qui était dirigé à l’époque, Yves Latreille. Donc voilà, on a commencé à travailler ensemble, ça a commencé à me plaire. Déjà, c’est un domaine d’activité que peu de cabinet d’expertise comptable proposent, c’est une première chose. Et puis ça me permettait de voir différentes typologies de sociétés, de par la taille, par rapport au chiffre d’affaires et des missions d’accompagnement qui duraient entre 6 mois et 18 mois, et chaque fois, quelque chose de nouveau. Les difficultés ne sont pas les mêmes pour toutes les sociétés et c’était quelque chose qui m’a plu, qui m’a intéressé.

 

Et puis cette notion de restructurer les entreprises et de leur offrir une opportunité de se redresser et de repartir vers de meilleurs cieux, c’est quelque chose qui m’a plu. Donc j’ai développé ça chez E3C et ensuite je suis parti dans un autre cabinet parisien qui s’appelait Janny Marque qui devenu après BDO MARQUE ET GENDROT. Donc jusqu’en 2007, pendant quasiment 10 ans, je me suis occupé des Entreprises en difficulté.

 

Ma carrière faisant, j’ai changé de cabinet d’expertise comptable, et puis j’ai arrêté de, enfin j’en faisais quasiment plus de l’accompagnement aux entreprises en difficulté. Et quand j’ai été embauché, il y a 12 ans de cela chez ERECApluriel, je n’ai pas été embauché pour ça. Mais il s’est trouvé qu’à l’époque, il y a eu un dossier qu’on a géré au niveau de la région toulousaine, qu’on a accompagné en procédure préventive de mandat adhoc, qui a eu ensuite un redressement judiciaire, puis cette entreprise a été cédée.

 

Et donc après, de fil en aiguille, on m’a offert l’opportunité de gérer, de créer ce Pôle Entreprises en difficultés qui existe depuis 5 ans.

 

Merci Christophe. Alors pour entrer un peu dans le vif du sujet, avec ton expérience, comment tu définirais sans rentrer dans des définitions trop juridiques, mais peut-être que tu vas en parler, une entreprise en difficulté ? A quel moment tu considères qu’elle est en difficulté sur un plan économique et d’expert-comptable ? Et après, à quel moment juridiquement, elle va rentrer dans la définition d’une entreprise en difficulté ?

 

Sans rentrer trop au niveau juridique, au niveau du code de commerce, mais il y a une notion autour de laquelle s’articule la plupart des procédures, c’est la notion d’Etat de cessation des paiements. Donc un Etat de cessation des paiements, c’est relativement simple. C’est une entreprise qui, avec son actif réalisable, c’est à dire sa trésorerie et ses créances clients mobilisables très rapidement, ne peut plus faire face à son passif échu. Donc, c’est une notion à un instant T. Une entreprise, dans l’état de cession des paiements peut très bien avoir un instant T et avoir un recouvrement important d’une créance client qu’elle attendait, et le lendemain ne plus être en état de cessation de paiement.

 

Donc voilà, ça c’est la notion juridique sur laquelle s’articule la plupart des procédures auxquelles nous pouvons disposer. Après, une entreprise en difficulté, là, on est en train de présenter les bilans au 31 décembre, une entreprise en difficulté ça peut très bien être une entreprise qui aujourd’hui a fait une très bonne année 2023, mais qui aujourd’hui n’a pas de carnet de commandes. Donc aujourd’hui, elle n’est pas en difficulté, mais elle peut l’être très rapidement. Voilà, donc dans la notion de difficulté, il y a la prévention qui est quelque chose de très important. Donc une entreprise, même si aujourd’hui tous les indicateurs sont au vert, peut être potentiellement en difficulté parce qu’il y a un changement de législation, parce que son carnet de commandes se réduit. A titre d’exemple, le secteur de la promotion immobilière : on aurait fait une situation au 30 juin 2023, on dirait tous les voyants sont au vert. Pour autant, 6/8 mois après, il se trouve que sur le deuxième semestre 2023 et début 2024, la promotion immobilière est en très grande difficulté. Donc voilà, je dirais que l’entreprise en difficulté, au-delà de la notion juridique, il n’y a pas tellement de définition, mais c’est une entreprise qui peut connaître potentiellement des problèmes au niveau de son activité, au niveau de sa trésorerie parce que vous avez des entreprises qui se développent, mais qui, pour autant si elle ne maîtrise pas son BFR, elle peut se retrouver en difficulté.

 

Tout à fait, tout à fait d’accord. On avait d’ailleurs fait un petit podcast sur les enjeux de l’entreprise et le fait qu’elles peuvent être performantes et avoir des difficultés. C’était le podcast n°2. Avant de revenir sur la notion de cessation de paiement, qui est effectivement le point de bascule entre peut-être les procédures amiables et les procédures collectives, que tu vas nous présenter après pour essayer de clarifier un peu ce sujet qui est assez complexe en fait, parce qu’il y a plein de procédures.

 

Moi je voulais juste revenir avec toi, mais tu l’as un peu effleuré, sur la question de ce qu’un expert-comptable peut apporter dans les difficultés des entreprises. Et effectivement, en amont, tu l’as un petit peu dit, puisque ce que tu fais toi souvent, c’est que tu vas avoir une approche avant la difficulté, où tu vas peut-être donner des conseils à tes clients sur comment éviter les futures difficultés et après pendant la procédure.

 

Donc la première question que je voulais te poser c’est : comment on peut les aider avant, les clients, sur justement essayer d’anticiper les difficultés sur les choix de gestion ou des choses comme ça ? Comment tu vois les choses ? Tu fais des prévisionnelles, des points de trésorerie, etc ?

 

Alors je dirais que dans un premier temps, il faut bien connaître son client. C’est quelque chose de très important. Et, je dirais ne pas se limiter à présenter une fois par an les comptes annuels, puisque là on est début mai, présenter les comptes annuels ça a un intérêt, mais parler de difficultés qui ont leur origine d’il y a entre 12 et 15 mois en arrière, ça ne présente que très peu d’intérêt. Donc là, ce qu’il faut impérativement, c’est que l’expert comptable suive de manière quotidienne, c’est un terme un peu péjoratif, mais de manière récurrente, suivre son client. A l’appui, des fois, de ce qu’on appelle des tableaux de bord, mais connaître des indicateurs clés de l’évolution en cours d’un exercice de son client. Ca peut être l’évolution du chiffre d’affaires, de sa trésorerie, son encours clients. Fin voilà, avoir différents paramètres de son activité qui permettent de réagir si ceux-ci peuvent dévisser à un moment donné.

 

La deuxième chose, c’est quand on présente le bilan, c’est présenter ce qui vient de se passer, mais aussi s’intéresser à ce que va être l’avenir de la société : poser la question, voir son carnet de commandes, demander comment l’entreprise va évoluer, connaître ses besoins de recrutement, ses difficultés à recruter, … Voilà. On sait depuis quelque temps que les entreprises font face à des difficultés de recrutement, à un prix des matières premières qui ne cesse d’augmenter, à des coûts des fluides énergétiques qui eux aussi ont sérieusement augmenté.

 

Donc voilà, je dirais, pour pouvoir appréhender les difficultés avérées ou à venir de nos clients, il faut bien les connaître, donc les suivre en cours d’exercice, pas seulement une fois par an au moment de la remise des comptes, et avoir à disposition des éléments prévisionnels pour connaître un peu l’avenir de la société.

 

Alors moi, j’avais une question effectivement sur le sujet de la relation avec ton client, parce qu’un chef d’entreprise par définition, c’est quelqu’un qui est positif et qui voit souvent le verre à moitié plein et que lui parler de difficultés, c’est quelque chose qu’il n’aime pas trop, souvent, le chef d’entreprise. Comment sur ce volet un petit peu psychologique, à quel moment on va dire à un chef d’entreprise : non, il faut être plus conscient que vous avez une vraie difficulté, que ce n’est pas seulement un moment un peu plus difficile pour vous dans votre entreprise, on considère que votre entreprise ne va pas bien et qu’il faut peut-être actionner maintenant des choses plus juridiques avec des procédures, on va le voir amiables ou collectives. Comment tu gères ça ? Cette dimension un petit peu psychologique. À quel moment tu dis aux clients que ça ne va pas en fait ?

 

Alors déjà, il faut bien entendu pouvoir disposer de données chiffrées pour pouvoir s’appuyer dessus. Après, il faut présenter au chef d’entreprise ses faiblesses qui peuvent l’amener vers des difficultés plus ou moins importantes, mais également être source de proposition une fois qu’on lui a dit qu’il connaissait des difficultés.

 

On peut prendre le cas par exemple de ce qui s’est passé avec le PGE, où il y avait une déconnexion totale entre l’activité de l’entreprise et le niveau de trésorerie. On pouvait donner l’alerte par rapport à une activité qui ne redémarrait pas, pour autant une trésorerie qui restait « pléthorique ». Je pense que ce qu’il faut surtout, ce n’est pas s’arrêter à lui dire qu’il est en difficulté, mais également lui dire les perspectives qu’il a pour surmonter ses difficultés. Et, si on va un peu plus loin, qu’on bascule vers une procédure. La plupart des procédures, à un moment donné, il faut aller au tribunal de commerce et c’est ça qui fait peur aux chefs d’entreprise, c’est d’aller au tribunal de commerce.

 

Ce qui est important, c’est d’anticiper ce passage au tribunal de commerce, qui peut être nécessaire, et lui proposer des rendez-vous avec un administrateur ou un mandataire judiciaire, avec un avocat, où on va travailler et gérer tous ensemble. Là-dessus, l’interprofessionalité est très importante. On va travailler tous ensemble pour poser les bases de ces difficultés et quelles sont les perspectives de restructuration et de retournement que nous pouvons lui proposer.

 

D’accord, c’est très clair. Alors moi, ce qui serait intéressant pour nous, nos auditeurs, peut-être, c’est d’avoir un exemple un peu concret d’une entreprise qui connaît des difficultés, mais qui n’est pas encore en cessation de paiement. Donc pour être clair, la cessation de paiement, c’est quand on ne peut plus payer ses fournisseurs ou ses dettes fiscales et sociales. Donc si tu peux nous donner un petit exemple de rétroplanning d’une entreprise que tu rencontres, qui ne va pas très bien mais qui n’est pas encore en cessation de paiement, qu’est-ce que tu peux lui proposer ? Une fois qu’elle est en cessation de paiement, parce qu’elle ne t’a pas écouté, qu’est-ce qui se passe le jour où on a la cessation de paiement ? Et ensuite, comment tu l’accompagnes ? Qu’est ce qui se passe une fois qu’elle a lancé la cessation de paiement ? Quelles sont les différentes possibilités, au fur et à mesure de la dégradation de son état ?

 

Alors ce qu’il faut savoir aujourd’hui, c’est qu’avant, les procédures amiables n’étaient pas ouvertes aux sociétés qui étaient en état de cessation des paiements. Depuis, la loi a évolué et certaines procédures amiables comme la conciliation, peuvent être ouvertes à condition de ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Donc, à fortiori, il y a des procédures collectives comme la sauvegarde où là par contre, pour avoir une sauvegarde, il ne faut pas être en état de cessation des paiements.

 

Donc en fait, aujourd’hui, c’est moins vrai qu’avant : on peut être en procédure amiable tout en étant en état de cessation des paiements, et a fortiori, ouvrir une procédure collective sans être en état de cessation des paiements.

 

Avant d’évoquer et reprendre cet exemple, pourquoi il y a autant de procédures différentes ? On a du mal un peu, sauf si on est un expert, à s’y retrouver. Pourquoi il y a autant de sauvegarde, conciliation, mandat ad hoc ? Donc tu vas nous en parler. Il y en a beaucoup ?

 

Alors en fait, on va mettre la liquidation judiciaire de côté qui signifie l’état de cessation des paiements et l’impossibilité de l’activité de continuer, et donc l’arrêt de l’entreprise. Aujourd’hui, il y a vraiment quatre procédures différentes qui existent, qui sont le mandat ad hoc et la conciliation, qui sont des procédures dites amiables.

 

Et de l’autre côté, nous avons le redressement judiciaire et la sauvegarde qui sont des procédures collectives. Si on a le temps, on parlera rapidement de la procédure de traitement de sortie de crise qui est une procédure hybride entre les procédures amiables et les procédures collectives, qui vient d’être créée, enfin, qui a été remise à jour là fin 2023 pour deux ans.

 

Mais donc aujourd’hui, il y a vraiment quatre procédures. Les procédures amiables, l’intérêt de ces procédures, c’est que, à la différence des procédures collectives, elles ne font pas objet de publicité. Donc ça, c’est quelque chose de très important, et notamment pour le chef d’entreprise qui a peur des procédures collectives parce que celles-ci font l’objet d’une publicité. C’est-à-dire que quand vous êtes en procédure collective, tout le monde le sait. Et le terme collectif veut dire qu’à partir du moment où vous ouvrez une procédure collective, ça emporte gel de la totalité du passif. Ce qui veut dire que tous les créanciers sont logés à la même enseigne.

 

Les procédures amiables, elles, sont différentes. C’est-à-dire qu’en fait vous ouvrez une procédure amiable, ce sont des procédures préventives, donc vous commencez à connaître des difficultés. On va prendre un exemple : aujourd’hui avec le PGE, les entreprises sont fortement endettées au niveau financier. Pour autant, certaines ont retrouvé un excédent d’exploitation, mais celui-ci ne sera insuffisant pour rembourser la dette financière. Donc, l’intérêt de ces procédures amiables, c’est d’ouvrir un mandat ad hoc ou une conciliation, et d’aller négocier non pas avec tous les créanciers, mais avec les créanciers que l’on va choisir. Et dans le cas que je prends, c’est avec les établissements financiers pour pouvoir renégocier l’emprunt.

 

Donc voilà, on fait une requête auprès du président du tribunal de commerce, demandant l’ouverture d’une conciliation ou d’un mandat ad hoc. Il est nommé un conciliateur ou un mandataire ad hoc, donc sur ordonnance, à charge pour lui d’aller négocier le passif financier de la société. Et par exemple, pour prendre le cas des PGE : nous avons des PGE qui sont remboursés selon un rythme de deux plus quatre ou un an plus cinq ans. On va demander un rééchelonnement de ces PGE sur une durée qui peut aller jusqu’à douze ans à partir de l’obtention de ce PGE.

 

Donc voilà, la procédure amiable, l’intérêt qu’elle a, c’est d’aller négocier avec les créanciers que l’on aura choisis dans un cadre discrétionnaire et obtenir dans le cadre de la conciliation, après un accord de conciliation ou un jugement de conciliation permettant d’avoir ce jugement ou cet accord qui permet d’être opposable aux créanciers financiers et donc de permettre à l’entreprise de repartir avec son activité vers des perspectives plus saines, plus positives.

 

Deux petites questions sur ce moment où l’entreprise va vers une procédure. Souvent, outre l’information publique, ce qui inquiète le dirigeant, c’est le fait qu’il ne maîtrise plus sa société, et qu’il y a un administrateur qui en prenne totalement la main.

 

Est-ce que tu peux nous définir le rôle d’un administrateur ? Est-ce qu’il y a toujours un administrateur ou pas ? Est-ce que le tribunal nomme toujours un administrateur ? Quelle est sa fonction ? Et l’expert-comptable, qu’est-ce qu’il devient une fois que l’entreprise est dans une procédure ? Qu’est-ce que tu fais, toi ?

 

Je reviens rapidement aux procédures amiables. Dans le cadre des procédures amiables, on nomme généralement un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire, mais bien souvent c’est plutôt un administrateur judiciaire. Donc lui, dans le cas de son ordonnance, il a une mission à réaliser. Souvent, c’est restructurer la société et restructurer le passif, obtenir des échelonnements afin que la capacité de l’entreprise d’exploitation puisse faire face à ses dettes courantes et au passif antérieur.

 

Dans le cadre d’une procédure collective. Donc, il est nommé systématiquement un mandataire judiciaire. Le mandataire judiciaire avant était nommé représentant des créanciers, donc sa mission au mandataire judiciaire, est de s’assurer que les intérêts des créanciers et des salariés sont bien respectés. Donc le passif, qui est gelé dans le cadre des procédures collectives, il est produit auprès de son étude et il est vérifié. Après, donc le mandataire, va donner son opinion. Si pour lui le plan de continuation, le plan de sauvegarde est réalisable, si la capacité de remboursement de l’entreprise sur une période de dix ans permet de faire face à ce passif. L’administrateur judiciaire, lui, est nommé à partir du moment où la société a un effectif salarié de plus de 20 et un chiffre d’affaires supérieur à 3 millions.

 

Donc il n’y a pas systématiquement un administrateur judiciaire qui est nommé. Quand il est nommé, il est là pour accompagner le dirigeant. Donc ce qu’il faut savoir, c’est qu’à la différence de liquidation judiciaire, le dirigeant n’est pas dessaisi de ses fonctions en période de procédures collectives, et a fortiori, en sauvegarde où l’entreprise ne peut pas être cédée sans l’accord du dirigeant.

 

Il y a trois niveaux d’intervention au niveau de l’administrateur, soit une simple mission de surveillance où il est juste là pour regarder que l’entreprise se retourne correctement et revient vers de meilleures perspectives. On retrouve plutôt cette mission dans le cadre de la sauvegarde. En redressement judiciaire, généralement, l’administrateur judiciaire est nommé dans une mission d’accompagnement. C’est dire qu’en fait, au début de sa mission, il va établir un bilan économique, social et environnemental pour déterminer les perspectives de retournement de la société à mettre en place et les perspectives de sortie de procédure vers un plan de continuation.

 

La troisième mission, c’est là où l’administrateur remplace le dirigeant. Mais on voit cela dans les cas les plus graves où il y a une réelle incapacité du dirigeant à gérer son entreprise. Mais ce ne sont pas la majorité des cas, et dans la majorité des cas, le dirigeant reste aux commandes de son entreprise mais accompagné par l’administrateur.

 

Nous, notre mission, c’est d’accompagner le dirigeant tout au long de la procédure, qu’elle soit amiable ou collective. En faisant généralement des situations périodiques. Donc pour montrer, je dirais, les évolutions qu’il peut y avoir au niveau de l’activité de la société. Établir et modéliser des prévisions d’exploitation et de trésorerie pour à la fois parler de ce qui s’est passé depuis le début, la période d’observation ou depuis le début de la procédure amiable, mais également de préparer l’avenir pour que l’administrateur et le mandataire puissent s’appuyer dessus.

 

Si on demande un rééchelonnement du PGE sur dix ans, il faut qu’on puisse démontrer que la société est à même, avec les restructurations qui ont été entreprises, de pouvoir faire face à cette demande d’échelonnement ou à cette demande de plan sur dix ans. Donc, on est là pour l’accompagner tout au long de la procédure.

 

En procédure collective, on est également là pour l’accompagner chez le mandataire judiciaire pour la vérification du passif. Vérifier comme quoi le passif produit correspond bien au passif comptable, et ensuite, en fin de période d’observation, on est également là pour l’accompagner pour l’établissement du plan de continuation du plan de sauvegarde. Donc c’est un accompagnement, je dirais, quotidien auprès du dirigeant durant toute la procédure.

 

Tout à fait, je te remercie beaucoup. Effectivement, au sein du bureau du groupe ERECApluriel, on a voulu et on a développé cette compétence, et cette chance d’avoir cette compétence dans le bureau pour justement quand nos clients ne vont pas bien, d’être capable de continuer à les aider. Souvent, les clients, ont été fidèles à notre cabinet pendant de longues années et on a toujours considéré qu’il était hors de question de les laisser tomber au mauvais moment.

 

Donc ça, c’est important pour nous de leur dire. Même dans la difficulté, on fera en sorte d’être présent, même si c’est plus dur, que le moral est souvent assez bas pour nos clients, et que nous on veut, et on va les aider jusqu’au bout pour essayer de les sauver.

 

Sur un plan plus positif, tout à l’heure, tu as évoqué les opportunités aussi pour nos clients qui allaient bien, parfois de pouvoir acquérir des entreprises qui sont en difficulté.

 

Alors bon, le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. C’est un peu triste, mais si certains clients qui vont bien peuvent sauver aussi des entreprises qui vont moins bien, ça peut être intéressant. Comment ça se passe ? Est-ce qu’il y a des entreprises qui se vendent à la barre ?

 

Alors oui, il peut y avoir des rachats d’entreprises à la barre. Alors, on peut soit reprendre dans le cadre du redressement judiciaire, une entreprise en tant qu’entité économique ou dans un cas de liquidatif, reprendre l’entreprise de manière plus parcellaire, que ce soit reprendre uniquement le matériel ou le fonds de commerce.

 

Dans le cadre du redressement judiciaire, on peut reprendre une société en tant qu’entité économique. La loi dispose, qu’en fait, dans le cadre des procédures collectives, il faut s’assurer de la pérennité de l’entreprise, de la sauvegarde de l’emploi et du remboursement des créanciers. Donc certaines entreprises, qui sont en redressement judiciaire, n’ont pas une capacité bénéficiaire suffisante, n’ont pas pu se restructurer de manière suffisante pour pouvoir faire face à un passif.

 

Pour autant, l’entité économique, reprise de manière différente, pourrait avoir une pérennité. Et c’est là où il y a des opportunités de croissance externe. C’est-à-dire qu’en fait, il y a des offres de reprise qui sont publiées. Alors bien souvent, on ne reprend que les actifs, c’est-à-dire le fonds de commerce, la clientèle, le matériel, les contrats en cours et tout ou partie des salariés.

 

Donc ça permet d’assurer une pérennité à cette entité économique qui ne continuera pas dans la société au sein de laquelle elle a été créée. Mais dans le cas d’une nouvelle société, qui aura repris les actifs et qui aura assuré sa pérennité. Il faut quand même faire attention : quand on reprend les actifs d’une société, même à bas prix, il ne faut pas non plus oublier que cette société a été en difficulté.

 

Donc, au-delà du prix de rachat, il faut quand même s’assurer, quand on fait les prévisions d’exploitation de trésorerie du cycle d’exploitation à refinancer, le besoin en fonds de roulement, etc. Donc, il est important aussi de ne pas tomber sur une opportunité où le prix de rachat pourrait être, je dirais, symbolique et intéressant, mais il faut raisonner de manière globale avec le refinancement de cette structure.

 

Mais ce sont de bonnes opportunités de croissance externe qui peuvent s’offrir à des entreprises qui aujourd’hui vont bien.

 

Bien sûr, ça peut être intéressant pour certains de nos clients qui peuvent trouver parfois des petites pépites qui ont eu des problèmes de gestion conjoncturelle, etc.

 

Dernière petite question sur les entreprises en difficulté, car il y a tout un écosystème qui s’est créé autour de ce sujet.

 

Tu vas nous dire dans quel cas tu interviens. Par exemple, toi, je sais que tu interviens dans certaines associations qui viennent en soutien aux entrepreneurs qui ont eu des difficultés parce que c’est souvent un moment un peu difficile. Donc, qu’est-ce tu peux apporter à nos auditeurs qui auraient des difficultés en tant qu’entrepreneur ? Ils peuvent se tourner vers aussi des associations qui peuvent les aider sur un plan de conseil et puis peut-être psychologiquement, on sait qu’il y a des associations qui soutiennent les entreprises en difficulté, les entrepreneurs. Qu’est-ce que tu connais dans la région Bordeaux ?

 

Alors déjà, au-delà des associations, il y a quelque chose qui est très important. J’en ai fait le cas au tout début, c’est l’inter professionnalité. C’est-à-dire qu’en fait, il ne faut pas hésiter, en tant qu’expert-comptable, à se rapprocher d’avocats.

 

Il y a des avocats sur la place de Bordeaux qui sont spécialisés dans les entreprises en difficulté, et également à ne pas hésiter à aller voir les administrateurs ou mandataires judiciaires préalablement à l’ouverture d’une procédure. Donc ça, avant de parler d’associations, l’inter professionnalité est très importante, je dirais, pour la gestion des entreprises en difficulté.

 

Après, au niveau des associations, il y a une association qui s’est créée l’année dernière, qui a fait une première conférence soirée en fin d’année 2003, donc c’est ARIA Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe des professionnels, des entreprises en difficulté, donc administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, avocats. Donc ça, c’est une association qui s’est créée.

 

Ensuite, il y a une association qui existe, qui est la Payza. Alors, la Payza, c’est une association à joindre si vous vous rendez compte que le dirigeant commence à avoir des tendances suicidaires. Le dirigeant est bien souvent isolé. C’est-à-dire que quand il a des difficultés, il n’en parle pas pour ne pas faire peur à son entourage familial. Donc il se retrouve très rapidement seul, et les difficultés s’accumulant, ça peut aller très vite.

 

Donc la Payza est une association dont il faut souligner l’existence et qui est très importante. Après on a des associations comme 60 000 rebonds, ainsi qu’Entraide et Entrepreneurs. Donc 60 000 rebonds, on a plutôt tendance, comme son nom l’indique, à intervenir après la liquidation judiciaire pour accompagner les dirigeants dans leur rebond.

 

Entraide et Entrepreneurs, elle, intervient un peu plus en amont. Son intérêt, c’est de lier, je dirais, la partie économique, financière, juridique, avec un accompagnement moral. Nous, en qualité d’expert-comptable, c’est toujours très difficile de pouvoir lier les deux. On a tendance à gérer en priorité, je dirais, l’économique et le financier, sans se soucier, je dirais, de l’aspect moral du dirigeant. Et on se rend compte au travers de ces associations, c’est qu’il y a beaucoup d’entrepreneurs qui passent au travers des mailles du filet. C’est-à-dire qu’en fait, même si beaucoup de choses sont faites au niveau des experts-comptables, au niveau des avocats, au niveau du greffe, au niveau de la CCI, on voit qu’il y a des entrepreneurs qui passent au travers des mailles du filet et ces associations sont là pour pouvoir les accueillir et, pas les remettre dans le droit chemin, mais pouvoir leur proposer un accompagnement pour faire face à leurs difficultés.

 

Ok, je pense qu’on en a fait le tour sur ce thème assez large, assez complet sur un plan technique. C’est pour ça que les experts-comptables qui dominent bien ce sujet sont souvent assez rares parce qu’il faut être à la fois capables sur un plan comptabilité pure de bien maîtriser les enjeux et d’anticiper, tu l’as dit tout à l’heure, dans ces difficultés. C’est-à-dire, être capables de faire des prévisions de résultats de trésorerie, et puis après, pendant la procédure qui pourrait être mis en place, il faut avoir une bonne compétence juridique. Et, on sait que les différences entre les procédures sont assez subtiles. Donc, il faut absolument être bien conseillé avec plusieurs professionnels, tu l’as dit aussi, l’interprofessionnalité entre les administrateurs, les avocats, les experts-comptables, qui doivent aider les entreprises à survivre, parfois à des difficultés qui peuvent être surmontables ou pas.

 

Merci beaucoup Christophe pour cette interview. Et puis bonne fin de période.

 

Merci. C’est moi qui te remercie.

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