ERECApluriel

#5 - Comprendre la finance durable et les conséquences sur l’accès au crédit

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Présenté par Thomas FONDEVILA, Président du Groupe ERECApluriel, & Marc FAZI, Responsable Solutions Durables chez LCL Banque et Assurance.

Donc merci à tous d’être venus pour ceux qui sont là physiquement. C’est vraiment super d’être là pour ce soir, pour cette réunion sur un thème évidemment qui est très important, qui a le vent en poupe et qui engage beaucoup d’entreprises. Avant de démarrer et de rentrer dans le vif du sujet, un petit mot sur nos entreprises au niveau d’ERECApluriel.

 

Donc, je m’appelle Thomas Fondevila pour ceux que je ne connais pas, je suis expert-comptable, je dirige le cabinet ERECApluriel. Et donc ERECApluriel, c’est un cabinet qui est présent en Nouvelle-Aquitaine. C’est un cabinet qui a eu une année 2023 assez importante puisqu’on a eu la chance qu’un autre cabinet nous rejoigne. Il y en a quelques-uns qui sont dans la salle, je vous remercie d’être venus ce soir, puisque le cabinet CAEC, le Groupe CAEC, qui est un acteur important d’expertise comptable, a décidé de rejoindre notre cabinet. Aujourd’hui, on représente près 275 professionnels de l’expertise comptable sur la Nouvelle-Aquitaine.

 

Alors, pour ma part, je suis ravi d’être avec vous ce soir. Donc, je suis Marc Fazi du LCL, c’est une banque nationale comme vous le savez. Et donc, on accueille nos clientes entreprises dans nos agences pour ce qui concerne le marché de l’immobilier, et pour notre clientèle qu’on appelle entreprise dans notre jargon, ce sont donc tous nos clients qui font plus de 7 millions d’euros de chiffre d’affaires.

 

On est évidemment un petit peu partout en France. Et là, je vous ai décrit le dispositif qui est en place dans le sud-ouest de la France. Donc, il y a dix centres d’affaires, on a une dizaine d’implantations physiques sur ce vaste territoire pour 70 collaborateurs. Et on est, aujourd’hui, un millier de clients.

 

LCL, c’est la banque d’une ETI sur 2 et d’une PME sur 3. On ne s’en rend pas forcément compte parce que notre part de marché sur la clientèle entreprise est largement supérieure à ce qu’elle est sur le marché des particuliers. On a un certain nombre d’expertises évidemment sur ce dispositif, et donc moi, je suis responsable Solutions Durables, qui est une fonction relativement récente dans la banque, et ma mission, c’est d’accompagner la mise en œuvre d’une politique RSE chez nos clients.

 

Et c’est à ce titre-là que je vais vous parler de quelques sujets aujourd’hui. Thomas je te laisse la parole.

 

 

Alors, le contexte de la réunion de ce soir, le thème qu’on voulait présenter avec Marc, c’est un thème autour de l’implication des banques dans la grande évolution autour des entreprises et du RSE.

 

Alors effectivement, du côté de la banque, ça bouge et ça bouge vite, ça bouge très fort. C’est ça que je vais essayer de mettre en évidence aujourd’hui. Alors ça participe d’un constat, qui était celui qu’a indiqué Thomas, c’est-à-dire l’urgence climatique, les problématiques de cohésion sociale. Et en face de ça, très clairement, il y a de plus en plus de pressions qui sont exercées par les parties prenantes.

 

On a des dirigeants qui sont convaincus. Moi, je travaille donc sur tout le périmètre du sud-ouest de la France, sur tous types de clients. En termes de taille, c’est très hétérogène. Il y a des clients qui sont déjà lancés, qui sont très matures. Et on va essayer, bien évidemment, nous, banquiers, de les accompagner dans leur démarche.

 

Et j’ai des clients qui n’ont toujours pas commencé. J’ai des clients qui parfois même, je dirais, qu’ils sont contents de dire qu’ils ne sont pas concernés, qu’ils ne veulent pas en entendre parler. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ça ne dépend pas nécessairement de l’âge du capitaine.

 

Moi, le message, c’est de dire qu’aujourd’hui, il ne faut presque plus se poser la question de « est-ce qu’on y va ? » ou « est-ce qu’on n’y va pas ? ». La pression qui peut être exercée par les parties prenantes, elle va aller croissante. Il y a les aspects réglementaires, et au-delà de ça, la RSE, c’est un véritable outil de transformation pour les business model, pour la marque employeur, pour toutes les raisons qu’évoquait Thomas il y a encore quelques minutes.

 

En outre, il faudra de plus en plus démontrer ce qu’on fait en matière de RSE, c’est-à-dire qu’il y a plein de sociétés qui font énormément de choses de façon historique sur ces sujets et qui finalement ne communiquent pas dessus. Moi, je reste persuadé, alors on peut le déplorer, mais demain, il faudra être aussi bon pour mesurer, démontrer et communiquer.

 

Voilà, en face de ça, nous, du côté des financiers et du côté de la banque, qu’est-ce qu’on fait ? On fait 2 choses, principalement. On a mis en place une solution bancaire à travers des financements particuliers, ce qu’on appelle la finance durable. Je vais l’évoquer un tout petit peu plus tard. Et, on a mis en place, j’allais dire, une solution plus servicielle à travers un certain nombre de partenaires qu’on vient proposer à nos clients. Parce que quand on accompagne des clients sur les sujets de la RSE, on se rend compte que les problématiques sont souvent un petit peu toujours les mêmes. Et du coup, on a identifié des partenaires pour aider notre client à faire un premier bilan carbone, pour faire un diagnostic énergétique dans un bâtiment, que sais-je encore.

 

Alors déjà, on parle donc de finance durable. Qu’est-ce que c’est la finance durable ? C’est principalement 2 types de prêts : les prêts indexés et les prêts fléchés. Le prêt fléché, c’est le plus facile à comprendre. On va commencer par celui-là.

 

Qu’est-ce que c’est fléché ? C’est : je finance un actif durable, donc, par exemple, c’est un panneau photovoltaïque. Aujourd’hui, quand vous appelez votre banquier pour en faire un financement, vous avez le taux du moment, évidemment, en fonction de la durée. Si vous l’appelez pour acheter, pour financer un actif durable. Du simple fait que l’actif est durable, vous avez un taux qui est inférieur, le prêt est fléché. Qu’est-ce que je peux financer avec un actif, avec un prêt fléché ? On va y venir rapidement.

 

Commençons par l’immobilier. Vous financez un bien immobilier, vous allez avoir le taux fixe quinze ans. Par contre, si le diagnostic de performance énergétique, il est « A » ou si le label il est « haute qualité environnementale », et bien là, vous pouvez avoir un gain sur le taux. Donc la banque fait le choix de baisser son taux, si l’actif que vous voulez financer est bon pour la planète.

 

Le différentiel sur la banque de l’entreprise aujourd’hui, que je constate, c’est environ 0,2 / 0,3 %, ce qui sur des projets de plusieurs millions d’euros sur des durées de 10 à 15 ans, commence à constituer un certain montant de frais financiers.

 

Si ce n’est pas l’intégralité du projet immobilier, puisqu’on n’arrive pas à avoir ce DPE, ça peut être un sous-ensemble. Grosso modo, c’est tout ce qui va participer de la performance énergétique du bâtiment : projection d’isolant, je rajoute des huisseries, des fenêtres performantes énergétiquement, je mets des bornes de recharge sur mes parkings. Évidemment, je mets des ouvrières, je mets des panneaux photovoltaïques, …

 

Tout ça, ça participe à améliorer, on va dire, à atténuer le changement climatique, et du coup, c’est éligible à des prêts fléchés. Donc ça, ça a quand même un impact, parce que nos gros clients, jusqu’à présent, allaient voir leurs banquiers et nous demandaient des enveloppes pour financer leurs investissements courants. Mais, à partir d’aujourd’hui, il est nécessaire dans ces enveloppes d’essayer de séparer le bon grain de l’ivraie.

 

Qu’est ce qui est durable, qui permet d’obtenir un taux bonifié ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Donc ça, c’est le financement fléché, c’est le plus facile à comprendre. Je finance un actif durable, j’ai un taux qui est plus faible.

 

Ensuite, il y a le financement indexé. Alors, le financement indexé, qu’est-ce que c’est ? C’est : je finance n’importe quoi, je ne me soucie pas de l’objet du financement. Du coup, quand j’appelle mon banquier, j’ai le taux du moment et on se dit que ce taux, on va l’indexer sur des critères qui sont extra financiers. Alors ce n’est pas tout à fait vrai, si vous m’appelez pour financer un puits de pétrole ou une mine de charbon, ça ne va pas me convenir, vous vous en doutez.

 

Mais ça peut être une croissance externe, ça peut être un investissement courant et à ce moment-là, ce taux, on va venir se dire que, en fonction de la performance extra financière de la société, on va venir modifier ce taux, on va venir le bonifier, le baisser de 0,05 %. On va voir un peu comment marche ce mécanisme.

 

Avant ça. Ce que je veux mettre en évidence, c’est que ce phénomène de prêt indexé et de finance durable en général, c’est quelque chose qui commence à remonter maintenant à pas mal de temps. Ça a commencé il y a plus d’une dizaine d’années désormais. C’était dans un premier temps, nos grands clients qui se finançaient directement sur les marchés financiers sous forme d’obligations, les fameux green bonds.

 

Après, on a eu des obligations. L’équivalent du prêt fléché que j’évoquais, c’étaient des obligations et ça leur permettait d’acheter des actifs durables. Et puis, il y a eu des obligations qui ont été indexées sur la performance extra financière de nos grands clients. Et on voit que depuis 3 ou 4 ans, et notamment que depuis 2021, c’est ce qui apparaît en Bordeaux et dans une moindre mesure en vert sur l’histogramme qui en haut à gauche. On voit que les banques se sont mises à distribuer ces mécanismes de financement sous forme de prêts auprès de leurs clients. Et pour vous donner un ordre de grandeur sur la banque de l’entreprise. Donc, ce que j’évoquais tout à l’heure, c’est-à-dire au LCL, c’est les clients qui font plus de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’an passé, sur 3 € prêtés, j’avais 1 € qui était indexé.

 

L’objectif de cette année, c’est 40 %. L’objectif pour l’année prochaine, c’est 50 %. Donc, on n’est pas du tout sur quelque chose de balbutiant qui commence à émerger. Ça y est, c’est parti. C’est massif. 1 € sur 3, c’est quand même beaucoup. Alors, je parle en euros encore une fois, pas en nombre de dossiers, parce que vous l’avez compris, c’est tout de même encore sur des gros dossiers qu’on voit ces mécanismes, mais clairement ça descend en termes de montants, en termes de client, mais aussi en termes de montants prêtés.

 

Aujourd’hui, on propose ces dispositifs sur des prêts qui font jusqu’à 1 million d’euros, donc 1 million d’euros, et au-delà.

 

Je ne reviens pas là-dessus. Alors après, comme je vous le disais, le prêt indexé, c’est un prêt qu’on va indexer en fonction de la performance extra financière. Donc ça, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que le taux va évoluer en fonction de critères qui s’appelle KPI, donc un Key Performance Indicators. Donc, on va parler de critères, en ce qui nous concerne.

 

Donc, ce sont des critères extra financiers. Avant de voir le nombre de critères et sur quoi ils portent : aujourd’hui, en 2024, par exemple, on n’envisage pas de faire un prêt de ce type si on met un critère sur le carbone, alors on va se prendre quelques minutes pour parler de ce que c’est qu’un bilan carbone. Donc, l’idée du bilan carbone, c’est que je cherche à mesurer l’empreinte carbone. C’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre qui a été émis au cours de l’année précédente, on va dire octobre 2023, par l’entreprise.

 

Et là, sans rentrer dans le détail, mais quand même pour vous donner 2/3 éléments, et on parle de scopes : il y a scope 1, scope 2 et scope 3. Je ne sais pas si tout le monde est très à l’aise avec ces notions. Scope 1 et scope 2, pour faire simple, c’est ce qui est directement émis en termes d’émissions de gaz à effet de serre par le business, par l’entreprise. J’ai une entreprise industrielle, par exemple, qui va fabriquer un bien, je fais tourner une machine. Cette machine, elle génère du carbone parce que pour pouvoir faire cette production, c’est du carbone qui a été généré dans mon scope 1 ou 2. Je ne rentre pas dans le détail entre le 1 et le 2, ce n’est pas très intéressant.

 

Donc scope 1 et scope 2, c’est le carbone que je génère directement. Scope 3, c’est le carbone de mes clients et de mes fournisseurs. Ça, déjà, c’est un peu particulier. Il y a des comptables dans la salle, et qui concernent la comptabilité du client et du fournisseur, c’est du hors bilan normalement en comptabilité, si on prend un plan comptable général. Alors qu’en carbone, ce n’est pas le cas. Le carbone de mon client et le carbone de mon fournisseur, il est dans mon propre bilan carbone. Et ça, ça change tout. Et c’est aussi pourquoi la banque, elle vient vous voir. Parce que quand vous êtes client de la banque, que vous émettez du carbone, il est dans le bilan, dans le scope 3 de la banque. Du coup, la banque, elle veut que vous commenciez à regarder, que vous commenciez à mesurer et à réduire, parce que la banque, elle veut être vertueuse. La banque a pris des engagements. Nous, on a prévu d’être neutre en émissions de carbone en 2050. Alors, on ne va pas venir en 2049, on vient dès maintenant, en 2024 pour vous parler de tout ça.

 

Mais l’objectif final, c’est qu’on soit neutre en 2050. Donc, c’est ça qu’il faut comprendre. Le carbone des uns est dans le bilan des autres. Du coup, toutes les parties prenantes vont être obligées de commencer à parler d’autre chose que du prix et du produit : il va aussi falloir parler carbone.

 

C’est ce que fait la banque quand elle vient vous parler de finance durable, de prêts indexés. Elle vous dit : on va mettre un index, un critère sur le carbone. Donc, première chose qu’on vous dit, c’est de mesurer votre carbone. Donc faire un bilan carbone, ça s’appelle comme ça. En plus, il y a des pays qui sponsorisent ce type de premier bilan carbone pour inciter les sociétés à le faire : mesurer votre carbone. Une fois que vous avez fait votre mesure de votre bilan carbone, l’important c’est de faire une trajectoire de décarbonation. C’est-à-dire que vous allez commencer à réfléchir, à réduire votre carbone. Une fois que vous avez le bilan, vous savez quelles sont les poches, vous pouvez vous faire accompagner. On peut vous dire : ça, ça va être plus compliqué à réduire, ça, c’est facile, etc. Une fois que vous avez fait cette trajectoire de décarbonation, on sait que par exemple, en 2023, vous avez fait 100 en carbone et que vous prévoyez de faire 95 en 2024, 90 en 2025 et ainsi de suite. Et tous les ans, vous allez refaire un bilan carbone.

 

Mais nous, dans le contrat de prêt, on va noter cette trajectoire. Alors, évidemment, la trajectoire, c’est vous qui allez l’écrire, vous allez nous la présenter, vous allez nous convaincre qu’elle est ambitieuse, évidemment. Nous, le principal risque qu’on a quand on fait ce type de financement, c’est le greenwashing. On veut absolument éviter de faire ce type de prêts à des gens qui veulent continuer à faire du business as usual. D’accord. Donc, vous nous présentez votre trajectoire de décarbonation. Vous arrivez à nous convaincre qu’elle est ambitieuse, on la couche dans le marbre du contrat et tous les ans, vous refaites un bilan carbone et on mesure. Est-ce que oui ou non, vous êtes au rendez-vous de la trajectoire que vous avez-vous-même écrite et qu’on a validé ?

 

Et là, ce n’est pas compliqué, soit le critère est atteint, soit il ne l’est pas. Et en fonction de ça, on vient indexer le contrat de prêt. Donc là, j’ai pris un critère parmi tant d’autres. On va se poser 2/3 minutes pour voir déjà combien il y a de critères. On voit que la plupart du temps, il y a 2 ou 3 critères, d’accord, mais il suffit d’un critère pour que le prêt soit indexé. Mais encore une fois, s’il y en a qu’un, on le mettra sur le carbone.

 

Ensuite, ces critères, ils concernent quoi ? Ils concernent, on le voit : 67 % du temps, c’est la partie E de la RSE. D’accord, la partie environnementale, le carbone que j’évoquais. Mais ça peut être la gestion des déchets, ça peut être des sujets d’économie circulaire, des sujets d’efficacité énergétique. Là, après, on va quand même s’adapter à votre business accord, à votre modèle d’affaires.

 

Ça peut être aussi des critères sociaux, des critères qu’on retrouve souvent.

 

Par exemple, c’est le taux d’accidents du travail dans des activités qui seraient, je pense au BTP, je pense à l’industrie, qui sont souvent d’ailleurs des critères que vous suivez de façon historique bien avant qu’on parle de RSE. Mais dans votre stratégie, pour vous, c’est un critère important au regard de votre modèle d’affaires, bien évidemment.

 

Nous, ce qu’on veut, c’est réutiliser des critères qui aient du sens pour vous. Ce qu’on veut surtout éviter, c’est de se créer un critère pour le prêt. Ça, c’est une façon de voir les choses. En revanche, pour vous, il y a des choses importantes. Il y a des choses sur lesquelles vous souhaitez communiquer ou pas d’ailleurs, mais des choses qui sont importantes pour vous, pour votre business. Et bien, le but, c’est de réutiliser ces critères pour indexer un prêt.

 

On voit que dans une moindre mesure, on a des critères de gouvernance. On a du mal à trouver des bons critères en gouvernance. La plupart du temps, c’est le taux de féminisation d’un organe de direction. Et malheureusement, il suffit qu’une collaboratrice arrive ou parte et on a du mal, et ça peut faire beaucoup varier le critère. C’est pour ça qu’il est rarement retenu. Souvent, le taux de féminisation, il peut être utilisé sur l’intégralité du personnel de la société. On a souvent ce critère-là dans les USN, par exemple, les sociétés du numérique. Voilà, dans les grandes lignes, comment on pourrait décrire un prêt indexé.

 

Après, comment ça fonctionne ? Donc j’ai pris l’exemple du carbone. Vous l’avez bien compris, on peut prendre n’importe quel autre critère et faire le même raisonnement. Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que le test, il est annuel. D’accord, c’est une norme, j’allais dire une norme non écrite, mais c’est un usage de place. On vient tester ces critères annuellement. Ces critères, ils sont nécessairement quantitatifs, pas de qualitatif. D’accord, on ne discute pas pendant des heures pour savoir si le critère, il est atteint ou pas. C’est un chiffre, il est inférieur ou il n’est pas inférieur à un taux, à un seuil qui était prédéfini au moment du contrat.

 

Bien évidemment, au moment du contrat, il faut qu’on réfléchisse pour bien le calibrer. Il faut que ce soit ambitieux. Notre objectif, évidemment, ce n’est pas non plus de coincer tous nos clients pour les faire surpayer, puisque que je vous l’ai dit : il y a un bonus si le critère est atteint, mais il y a un malus si d’aventure, il n’est pas.

 

Toujours pareil. Notre principale crainte, c’est le greenwashing. Du coup, pour essayer de limiter ce risque, ce qu’on demande, c’est que quels que soient les critères, ils doivent être validés par un tiers indépendant, un organisme tiers indépendant, un OTI habilité à valider des critères extra financiers. Et là, rassurez-vous, la plupart de vos commissaires aux comptes sont en train de passer les certifications pour pouvoir signer ces papiers.

 

On choisit ces critères, on définit des objectifs, on couche ça dans le marbre du contrat et tous les ans, on vient vérifier. Et en fonction de ça, pour l’année qui suit le test, et bien, on vient modifier le taux. C’est assez simple. Là, j’ai pris le cas de 2 critères. Si les 2 critères sont atteints, on fait un gain de 0,05 % sur le taux du prêt. Un critère sur 2, et bien on reste au taux initial. En revanche, si les 2 critères ne sont pas atteints, il y a un malus de 0,05 % pour l’année suivante. Et l’année suivante, on teste à nouveau.

 

Avant d’évoquer le contexte réglementaire. Et on parlera un petit peu après de la CSRD. Je vais prendre 2 minutes quand même pour essayer de mettre un peu en perspective la façon dont les banques appréhendent tout ça en termes d’octroi de crédit. Il y a dix ans, on regardait que les comptes pour accorder un crédit d’accord.

 

Ça fait déjà maintenant quelques années qu’on regarde d’autres choses, qu’on regarde à qui on a affaire, qu’on regarde les dirigeants. Est-ce que l’équipe dirigeante qu’on a en face de nous, sera en capacité de tenir le manche ? Si d’aventure il y a un retournement de conjoncture ? Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, réglementairement, dans notre processus d’octroi de crédit, on doit prendre en considération les critères légers.

 

On n’est qu’au tout début, parce que justement, le réglementaire arrive et ça va se massifier. Donc, prise en considération de la durabilité, on commence à le faire. Dans la banque aujourd’hui, on prend des décisions sur des critères extra financiers. D’accord, il y a des clients avec qui on était à l’aise en termes de risque, de contrepartie, des clients avec lesquels on était à l’aise en termes de tarification et à qui on a dit non. Pourquoi ? Parce que là, dans l’exemple que j’ai en tête, c’était un financement immobilier avec un diagnostic de performance énergétique très dégradé et un client qui ne souhaitait pas faire les travaux pour l’améliorer. On a marqué un refus. Donc ça, ce n’est pas dans 2 ans, ce n’est pas dans dix ans, c’est maintenant. On l’a fait.

 

Je vous parle donc un petit peu du contexte réglementaire. Je vais vous parler de la CSRD. Donc déjà la CSRD, qu’est-ce que c’est ? C’est une directive européenne relativement récente qui fait suite à une vieille directive qui obligeait les clients de grande taille, c’étaient d’abord les grands groupes cotés, à faire une DPEF, à faire une publication extra financière.

 

Le problème de cette publication extra financière, c’est qu’elle n’était pas normée, donc chaque groupe pouvait communiquer sur les aspects extra financiers comme ils le souhaitaient et de façon homogène. La difficulté était qu’on n’était donc pas en capacité de pouvoir comparer 2 sociétés d’un même secteur sur les critères extra financiers. Évidemment, sur les critères financiers, il n’y a pas de problème, on peut comparer, c’est très normé. Ce n’était pas le cas pour l’extra financier. L’objectif de cette CSRD, c’est de normer tout ça, d’obliger le format, de dire voilà, maintenant vous allez être obligés de reporter sur telles ou telles données et de telle manière, en étant très précis sur les définitions. On va donc pouvoir comparer. Ça, c’est la première chose.

 

Donc, deuxième chose qui est très importante, ce sont les seuils. Les seuils baissent, les seuils à avoir en tête, il y en a 3. Il faut respecter 2 de ces 3 seuils et 3 seuils : c’est 250 salariés, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, 25 millions d’euros de total bilan. C’est une entreprise, que dis-je, un groupe, ce n’est pas une entreprise, c’est par groupe qu’on raisonne, groupe donc niveau de consolidation. Si un groupe respecte 2 de ces 3 critères : 250 salariés, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, 25 millions d’euros de total bilan, alors ce groupe est soumis à la CSRD et devra publier un rapport extra financier en 2026 sur la base de sa publication de 2025.

 

Un des sous-ensembles de la CSRD, donc des données sur lesquelles les entreprises doivent publier. Et bien sûr, il y a le bilan carbone.

 

Et donc, il y a le bilan carbone, il y a cette fameuse histoire de scope 3. Donc, si même si vous, votre entreprise, elle n’atteint pas ces seuils, vous allez quand même être touché par l’évolution réglementaire. Parce que nécessairement, dans vos clients, dans vos fournisseurs, vous allez au moins avoir quelques groupes qui vont être de l’ATC et du coup qui, à plus ou moins brève échéance, vont venir vous voir pour parler à minima carbone.

 

Et là, on retombe sur ce qu’évoquait Thomas : les sujets d’attractivité. Beaucoup d’entreprises, lorsqu’elles mettent en place leur stratégie RSE, commencent notamment à réfléchir sur une politique d’achats responsable. Une politique d’achats responsable, si je le formule, c’est de se poser la question « est-ce que j’achète un bien moins cher à l’autre bout du monde ? », en Chine par exemple, ou « est-ce que je n’accepte pas de payer un petit peu plus cher pour l’acheter localement ? ».

 

Et à ce moment-là, si je cherche à acheter local, peut-être qu’il y a un acteur qui a des choses à me raconter sur sa stratégie RSE, voire même sur le poids carbone, du bien qu’il est en train de me vendre. Alors que l’acteur d’à côté, il est moins disserte parce qu’il est moins mature. Et là, on voit que le contexte réglementaire, par effet de bord, il peut avoir un impact sur des sociétés qui ne sont pas du tout soumises.

 

La banque en fait, elle essaye de vous dire : allez-y, c’est maintenant. Et elle vous donne un petit coup de pouce, à travers ce dispositif de finance durable. J’en profite pour vous dire qu’on n’est pas du tout sponsorisé par un quelconque mécanisme de soutien d’Etat, de BPI ou que sais-je. C’est la banque qui baisse sa marge et elle baisse sa marge parce qu’elle a un enjeu de communication et parce qu’elle a un enjeu de bilan carbone.

 

Donc, on joint l’acte à la parole. On vous accompagne dans la mise en place d’une stratégie RSE et on vous donne un petit coup de pouce. Alors, pas d’erreur non plus, ce n’est pas ça qui va vous financer votre stratégie, votre trajectoire de décarbonation, votre stratégie RSE. C’est un petit coup de pouce. Il faut vraiment le prendre comme ça. Dans le temps, ce serait dommage de ne pas l’utiliser.

 

J’en arrive à la conclusion. La conclusion, c’est encore une fois, c’est que la RSE, c’est maintenant. S’il y a une phrase à retenir, c’est celle-là. Il ne faut pas tarder. Je pense qu’il y a vraiment un effet de temporalité pour actionner, pour commencer à s’intéresser au sujet pour ceux qui ne l’ont pas fait, et pour mieux communiquer pour ce qu’ils le font déjà.

 

Et c’est vraiment le cas de tous nos clients, notamment sur les parties sociales, sur les parties environnementales. C’est quand même rare de ne pas trouver des dirigeants d’entreprise qui ne soient pas du tout concernés par le sujet. En revanche, par les carbones, tout à l’heure, c’est dommage de faire plein de choses pour décarboner son entreprise et après de commencer à mesurer. Autant mesurer, puis décarboner. Comme ça, ça permet de montrer ce qu’on a fait. Et les banques sont là, LCL en particulier, mais ces produits, vous les retrouverez chez tous mes confrères : pour vous accompagner, pour vous aider, pour aussi essayer de trouver des partenaires, pour vous accompagner dans différentes problématiques. On va passer aux questions maintenant, s’il y en a.

 

 

Après le calcul qui est fait par la banque pour savoir s’il y a un malus ou un bonus. Donc, on décide le moins 0,05 ou le plus 0,05. Est-ce qu’après, l’année d’après, c’est quelque chose qui revient à zéro ou c’est quelque chose qui va s’accumuler en négatif ou en positif ?

 

Alors, il n’y a pas d’effet boule de neige. On repart toujours du même taux pour faire ce plus ou moins. Alors j’ai mis 0,05 mais ça peut être 0,010. Mais c’était pour donner un ordre de grandeur. Mais effectivement, en tout cas pour répondre à votre question, on repart bien du taux initial à chaque fois et on n’incrémente pas un gain 0,05 par an pendant cinq ou sept ans.

 

J’en profite aussi pour parler du critère carbone, c’est pareil. Donc nécessairement, quand vous allez nous présenter une trajectoire de décarbonation, il va y avoir une baisse. Sinon, ça ne va pas nous convenir, vous vous en doutez. Admettons, je vais prendre simple, dans le contrat on va mettre moins de 5 % par an. Imaginons que la première année, vous êtes allé un peu plus vite parce que vous avez fait un gros investissement de décarbonation et que vous passez de 100 à 80.

 

Donc, vous avez bien atteint l’objectif de 95 pour la première année. La deuxième année, le taux à atteindre, ça reste 90. On ne repart pas de la performance N-1, on reste toujours par rapport à la performance initiale qui était celle de votre trajectoire carbone. Donc, il n’y a pas non plus d’effet mémoire sur, j’allais dire, les critères quels qu’ils soient au moment où on fait la mesure annuelle. Voilà, en tout cas, nous, c’est comme ça qu’on envisage les choses par rapport aux prêts qu’on met en place.

 

 

Ces prêts bonifiés s’appliquent à tout type de crédit-bail, mobilier, immobilier, location longue durée, crédit classique ?

 

Alors, sur les crédits classiques, oui. Là, évidemment, je réponds pour ma paroisse, pour le LCL. Sur le crédit-bail, on ne sait le faire que si vous avez un prêt classique qui est indexé. Donc, si vous avez déjà un prêt classique indexé, on peut vous faire un crédit-bail indexé en utilisant les mêmes critères, pour un sujet de simplicité et de suivi.

 

 

Toute activité ?

 

Alors là, c’est une question très intéressante. Historiquement, dans la banque, la seule limite qu’on avait en termes d’entrer en relation et de financement, c’était que l’activité était légale. Si vous venez nous voir pour un trafic de drogue, on vous disait non.

 

En revanche, si vous venez nous voir pour n’importe quelle activité légale, eh bien là, on était souvent très content de vous recevoir. C’est moins vrai aujourd’hui. Aujourd’hui, on a des politiques sectorielles. Par exemple, aujourd’hui, vous venez me voir pour faire de l’extraction de charbon. Je vous dis non, alors que c’est légal. D’accord. Et là, c’est un peu bizarre.

 

C’est-à-dire que l’homme, le pouvoir politique, n’a pas interdit l’activité et c’est la banque pour des raisons de pression, de communication, d’environnement que j’évoquais tout à l’heure, qui s’est finalement un peu substituée au pouvoir politique pour décider de ne plus financer ce type d’activité. Donc, c’est pour ça que je suis un peu mal à l’aise pour vous dire tout type d’activité. Bah non, pas tout à fait.

 

Je suis en train de mettre en place des politiques sectorielles. Il y a des choses que je ne veux plus financer. Il y a des choses que je continue de financer parce qu’il y a aussi un temps de transition qu’on est obligé de donner à certains acteurs. Et plus le temps va passer, chez ces acteurs qui émettent beaucoup de carbone, donc qui mettent beaucoup de carbone dans mon scope 3 à moi, banque. Donc, je vais être de plus en plus regardant au fur et à mesure du temps. Et pour un secteur donné, je vais pouvoir comparer grâce à la CSRD demain, et je vais peut-être un peu plus prêter à l’un qui est plus vertueux qu’à l’autre.

 

Donc, dans un premier temps, peut-être que ces clients un peu moins vertueux, ils vont payer leur crédit un peu plus cher, puis peut-être qu’après ils auront un petit peu moins de crédit. D’où l’importance de vraiment se saisir de ces sujets le plus tôt possible.

 

 

Bonjour, d’abord une petite question par curiosité, vous avez parlé d’une trajectoire carbone avec un objectif de zéro en 2050, c’est voulu ? Quand vous dites ça, vous parlez du LCL ou vous parlez du secteur de la banque d’une façon générale ?

 

Alors quand je dis ça, je parle déjà du groupe Crédit Agricole, puisque c’est un engagement qu’on a pris niveau groupe. Et le LCL est une filiale du groupe Crédit Agricole, et le groupe Crédit Agricole a adhéré à ce qui s’appelle la NZBA Net-Zéro Banking Alliance, qui est donc en fait un engagement pris par un grand nombre d’acteurs bancaires, pour justement atteindre cette neutralité carbone à l’horizon 2050.

 

Donc, je ne peux pas vous dire que toutes les banques l’ont fait, mais un nombre très significatif de grands groupes bancaires ont adhéré à cette alliance et ont donc, de fait, pris cet engagement.

 

 

Tout à l’heure, vous avez insisté en disant que vous cibliez les actions pour pas qu’elles ne soient du green washing. Et comment vous allez justement pouvoir définir ce qui est du greenwashing, ce qui ne l’est pas ? C’est uniquement avec les KPIs du CSRD ou est-ce que vous avez déjà réfléchi à ça ? Et quelle est votre vision ?

 

Alors, c’est notre souci permanent. Le problème qu’on a déjà, c’est qu’au niveau CSRD, on ne l’a pas encore, puisque comme je vous le dis, la plupart des entreprises, je ne parle pas des plus grandes, mais c’est plutôt 2026 sur la publication de 2025. Donc pour le moment, on fait avec les moyens du bord. Et donc la manière dont on le traite qui est loin d’être parfaite, c’est effectivement à travers ces critères et l’exigence qu’on a, c’est qu’il soit audité par un tiers de confiance de façon annuelle. Voilà, ce n’est pas parfait, la trajectoire de décarbonation. Quelqu’un d’habile pourra sans doute nous faire croire qu’elle est ambitieuse alors qu’elle ne l’est pas tant que ça. Je ne peux pas faire autrement que d’en convenir.

 

C’est trop facile de rien faire. Voilà, c’est un peu ce qu’on se dit nous, du côté LCL et du coup non. Tant pis, on prend le risque, on y va en avance et on dit à nos clients « allez-y, mesurez, on met des critères et on vous donne un peu de sous ». Voilà. Et on prend un risque, mais clairement, ça ne nous empêche pas de dormir la nuit, mais c’est vraiment une grosse préoccupation pour nous que de se faire prendre par un client qui serait mal intentionné et qui aurait réussi à nous berner.

 

 

Et une dernière question, est-ce que votre analyse, justement toujours sur ces critères, va dépendre aussi du secteur que vous allez financer ? Peut-être l’immobilier d’un côté, le BTP, l’aéronautique. Est-ce que vous avez des trajectoires qui sont un peu différentes en fonction de ces secteurs ?

 

Alors, je vais vous répondre oui. Alors après, si on rentre dans la trajectoire du carbone, il y a plusieurs sujets à avoir en tête. Donc, bien évidemment, on parle, on va partir d’un état de l’art, on va écouter notre client qui aura normalement, c’est bien l’idée, réfléchi en amont à sa trajectoire de décarbonation.

 

Ce qu’il faut avoir en tête si vous voulez mettre 2 ou 3 chiffres, c’est le SBTi qui est l’organe, j’allais dire, scientifique. Notamment qui, lors des accords de Paris en 2015, a réussi à démontrer que pour qu’on limite la hausse des températures à 2 degrés à la fin du siècle, il fallait qu’on baisse l’empreinte carbone de moins 4,1 % par an. D’accord. Donc, quand on est en face d’un client qui ne sait pas trop quelle trajectoire prendre, on prend ça pour le moment, c’est mieux que rien, ça permet de mettre un chiffre -4,1 par an.

 

Ce n’est pas parfait, encore une fois. Mais ça permet d’avoir quelque chose qui est quand même assis sur une publication scientifique reconnue et difficilement attaquable. Après, le problème qu’on a, c’est le périmètre. Ça, c’est un vrai sujet. Nous, ce qu’on dit, c’est quand on prête à une entreprise. Déjà, on essaye toujours d’avoir le périmètre groupe. D’accord. Donc même si je prête à une société d’un groupe, l’idée c’est que le périmètre que je vais considérer pour faire ce bilan carbone, ce sera le bilan Carbone Groupe.

 

Le problème, ce sont les groupes acquisitifs. Ça, ce n’est pas évident. Alors là, on a des traitements un peu différenciés sur scope 1 et 2, et scope 3. Scope 1 et 2, pour mémoire, c’est le carbone qui est directement généré par le groupe, par le client. C’est souvent un petit sous-ensemble de l’intégralité de l’empreinte carbone puisque le gros du carbone, il est dans le scope 3.

 

Dans la banque, pour vous donner un ordre de grandeur, c’est 98 % le carbone, le scope 3, les clients. Et quand je dis scope 3, c’est en fait le scope 3 à valeur, et 2 % c’est scope 1 et scope 2. Et ce qu’on appelle le scope 3 amont, c’est-à-dire les fournisseurs. Donc, quelque part, ne traiter que le scope 1 et le scope 2, c’est quand même un peu réducteur, il faut en convenir.

 

Par contre, le scope 1 et le scope 2, quand on est en face d’un client, c’est le scope sur lequel le client est le plus manœuvrant. Il peut faire des investissements pour décarboner, il peut prendre des décisions.

 

Donc souvent, on met en tout cas un critère sur les scopes 1 et 2. Ça, c’est un indispensable. Et puis, ma foi, on peut un petit peu raisonner sur le scope 3. Pour les scopes 1 et 2, on raisonne en valeur absolue, quantité de carbone. Voilà. Et donc, pour un client qui est en croissance forte, réduire le carbone en augmentant le chiffre d’affaires, ce n’est pas simple, mais c’est ce qu’on lui demande. Hormis une petite différence. Par exemple, un client qui va acheter un concurrent, là, on est prêt à dire : « écoutez, si vous avez acheté un concurrent, ce concurrent, quand vous l’avez acheté, il générait déjà du carbone ; et donc, si vous aviez pris un engagement de baisser de 4,1 % par an, à ce moment-là, on va prendre votre carbone à vous, on va prendre le carbone du concurrent que vous venez d’acheter en N-1 et on va faire moins 4,1 % sur l’ensemble ». Vous voyez ? En revanche, si un client me dit : « moi, je suis en croissance organique, là, je vais créer un nouveau bâtiment avec une nouvelle usine ». Là, pour le coup, débrouille-toi, il va falloir nous compenser le carbone de la nouvelle usine. Parce que globalement, à l’échelle de la planète, cette nouvelle usine rajoute du carbone. Et notre objectif, c’est de réduire l’empreinte carbone. Donc ça, ce n’est pas facile, mais c’est un mal nécessaire.

 

 

Est-ce que ça peut aussi empêcher se développer ? Parce qu’imaginons, je me développe de 20 % tous les ans, si vous me demandez de baisser de 5 %, c’est énorme, ça fait -25 tous les ans.

 

J’en conviens, mais là-dessus on ne lâche pas. Aujourd’hui, le prix indexé n’est pas obligatoire. Comme je vous le disais donc, un client qui, dans votre cas aujourd’hui, n’indexe pas, soyons clairs. Ou alors il indexe, il prend le critère carbone et puis il va se rajouter 2 ou 3 autres critères. Et là, pour le coup, il va, il va mettre le paquet. En tout cas, votre sujet du carbone est épineux. Dès qu’on gratte un peu, on se rend compte que le diable est dans les détails.

 

Est-ce qu’il y a d’autres questions ?

 

 

Moi, j’avais une question pour les financiers. Comment on valorise les entreprises qui sont justement en avance. Parce que tout ça, ça engage des coûts quand même, c’est lourd pour les entreprises, ça fait un peu peur. Sachant que le reporting CSRD, il y a des grandes entreprises, mais 250 salariés, ce n’est pas tant que ça finalement. Comment on le retrouve ça, dans notre valeur d’entreprise finalement ?

 

Ça, c’est une bonne question. Alors, il est clair que quand on réfléchit à ces sujets de RSE, de décarbonation, ça suscite des investissements et à très court terme en tout cas, ça dégrade l’EBITDA. Et on est nombreux dans la salle, à savoir que la valeur d’une entreprise, c’est l’EBITDA fois un multiple. D’accord, donc si je baisse l’EBITDA, je baisse la valo.

 

Le truc un peu magique, mais qu’on a du mal encore à chiffrer, c’est que si vous avez une histoire à raconter en termes de RSE, vous pouvez espérer un meilleur multiple. Par contre, personne dans la salle peut vous dire de combien ça va augmenter. Mais ce que je constate, c’est que pour nos clients qui sont sous LBO, je vais utiliser ce terme-là. Donc souvent ce sont des opérations à effet de levier. Au capital desquels on trouve des fonds d’investissement. Historiquement, c’était des clients qui ne nous parlaient que d’un truc, c’était l’EBITDA. Ils voulaient améliorer l’EBITDA, et ce sont ces mêmes clients qui aujourd’hui viennent nous voir et qui nous sollicitent pour faire des investissements avec des investissements vertueux, avec des ROI très longs et donc quelque part destructeur d’EBITDA, et donc de valeur.

 

Mais ces fonds d’investissement, aujourd’hui, ont besoin d’avoir une histoire à raconter en termes de RSE pour pouvoir continuer à lever de l’argent. Donc, au-delà de la valo, c’est presque une histoire de survie pour ces fonds d’investissement, aujourd’hui. Je ne sais pas si ça va durer, je l’espère parce que nous, on est ravis de financer des actifs vertueux.

 

Mais en tout cas, aujourd’hui, les fonds d’investissement sont obligés de faire cette chose-là et ce ne sont pas des philanthropes. Certes, ils en ont besoin pour survivre et pouvoir continuer à lever des fonds, mais il est clair qu’ils ont une arrière-pensée derrière en termes de multiple de valorisation.

 

 

Merci beaucoup Marc, c’est très intéressant. Donc, je pense que, comme tu as dit, c’est le moment où il faut se pencher sur ces sujets. 2026, pour les ETI, ça va arriver assez vite finalement. Donc, il faut se concentrer là-dessus.

 

Oui, parce qu’évidemment, ces critères extra financiers, ils vont être validés par des commissaires aux comptes et on a cinq associés qui se forment là-dessus. Il y a une formation au niveau de la compagnie des commissaires aux comptes pour pouvoir certifier ces critères extra financiers. Donc, c’est aussi pour nous, un marché qui s’ouvre aussi devant nous. Donc, c’est un sujet qui est très important, à la fois pour nos clients et pour nous, puisqu’on va être éligible à ces CSRD et puis aussi pour nos salariés qui sont sensibles à ça.

 

Merci beaucoup et merci encore pour votre attention.

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